Sommeliers, influenceurs vin et applis communautaires : qui suivre, où et pour quoi faire ?

6 septembre 2025

Le boom des applis vin en France : état des lieux

La France compte plus de 10 millions de consommateurs d’applications liées au vin en 2023, selon l’observatoire Vin & Numérique mené par le think tank Wine Tech. Le marché national s’est structuré autour d’une trentaine d’applis actives — dont une dizaine au format communautaire (c’est-à-dire qui permettent le partage d’avis et l’interaction entre membres).

  • Vivino (danois, mais base très forte d’utilisateurs français : près de 5 millions selon La Revue du Vin de France, 2023)
  • WineAdvisor (français, annonce 1,5 million d’utilisateurs — Source : Les Echos, 2022)
  • TWIL (“The Wine I Love”, français également, près de 700 000 comptes recensés — Source : TWIL, chiffres presse 2024)

À ces grandes plateformes s’ajoutent des outsiders plus confidentiels comme Vinus, Labeyrie Wine App ou Geovino qui misent (parfois avec plus d’ambition que d’impact) sur des aspects communautaires et des recommandations expertes.

Peut-on réellement “suivre” des sommeliers ou des influenceurs vin ?

Venons-en à la vraie question : comment repérer et suivre un sommelier ou un influenceur vin — et le faire vraiment, c’est-à-dire être notifié·e de ses notes, avis, coups de cœur, bref, vivre sa passion par procuration comme sur Instagram, mais sans la surcouche publicitaire.

Logiques communautaires et limites des plateformes

Sur pratiquement toutes les applis dédiées au vin, la notion de “suivre” un utilisateur existe. En pratique :

  • Sur Vivino, il est possible de s’abonner à d’autres membres, de commenter leurs notes de dégustation, voire parfois d’être notifié de leurs nouvelles publications (fonctionnalité inégale selon les versions de l’application).
  • Idem sur WineAdvisor : l’abonnement à un profil de sommelier ou de vigneron, la possibilité de retrouver aisément ses dernières activités, et de consulter ses coups de cœur.
  • La plateforme TWIL, elle, favorise surtout le contenu de vignerons et de boutiques, mais dispose aussi de comptes “experts”.

Problème : malgré ces fonctions, l’écosystème reste très orienté vers l’avis “populaire” (90 % des notes proviennent d’utilisateurs anonymes ou occasionnels — source : Vivino Stats 2023). Les comptes tenus par de vrais sommeliers sont rarissimes, ceux de figures médiatiques ou d’influenceurs régulièrement actifs encore trop peu présents.

Qui sont les pros et influenceurs à suivre sur ces applis ?

Le terme “influenceur vin” peut déclencher quelques grincements de dents chez les amateurs de terroir. Pourtant, il existe en France une poignée de professionnels vraiment actifs en ligne. Quelques exemples concrets :

Nom Réseau principal Présence sur applis communautaires Particularité / Audience
Antoine Pétrus (MOF Sommelier) Instagram TWIL, Vivino (très ponctuel) Expertise de très haut niveau, publications limitées sur applis
Sandrine Audegond (oenologue, autrice) Instagram, Twitter Vivino (active mais publications non-éditorialisées) Sensibilisation, pédagogie
Amélie Guillot (Meilleur Sommelier de France 2007) Instagram, LinkedIn WineAdvisor (quelques dégustations partagées) Dégustations à l’aveugle, vlogs, masterclass
Vinis Epicuriens (blog + Insta collectif) Instagram, Blog Vivino, TWIL (profils semi-actifs, quelques listes partagées) Recommandations accessibles, ton décomplexé

Constat à l’arrivée : si tous ou presque possèdent un profil sur une ou plusieurs applis, rares sont ceux qui les animent vraiment ; la très grande majorité d’entre eux préfèrent la publication de contenu sur Instagram ou YouTube pour l’interactivité et la viralité. Sur les applis communautaires, leurs notes sont souvent perdues dans la masse : il faut parfois fouiller plusieurs minutes pour dénicher les dégustations de sommeliers connus.

Pourquoi les sommeliers boudent (encore) les applis communautaires françaises ?

On note un certain paradoxe. Les plateformes offrent des audiences considérables, mais ne séduisent que marginalement les professionnels de la sommellerie.

  • Manque de valorisation de l’expertise : sur Vivino, une note déposée par un MOF Sommelier a autant de visibilité qu’une note d’un amateur. Le système de “réputation” est peu (ou mal) développé.
  • Temps d’investissement : rédiger des fiches dégustation complètes prend du temps, pour une visibilité souvent décevante. Beaucoup de pros déroulent déjà ce contenu sur d’autres réseaux.
  • Absence de fonctions avancées : peu ou pas de live, pas d’ateliers en ligne, difficulté à animer une “communauté” comme sur Facebook ou Insta…
  • Monétisation : contrairement à Instagram ou TikTok, aucune plateforme communautaire vin n’offre vraiment de système de sponsoring, d’affiliation ou de rémunération directe pour les contenus d’experts (exception notable pour les masterclass sur TWIL, mais audience confidentielle).

Résultat : sur dix sommeliers interrogés en 2023 par Vitisphere, seulement 2 reconnaissent utiliser régulièrement les applis communautaires pour partager leur passion, et aucun n’en fait son canal principal. On est loin de l’écosystème à l’américaine où certains “wine influencers” engrangent des dizaines de milliers de followers sur CellarTracker ou Delectable tout en en vivant.

Influenceurs et crédibilité : comment s’y retrouver ?

Dans ce mélange d’amateurs éclairés et d’experts discrets, comment distinguer les comptes vraiment pertinents des profils “usines à notes” (qui notent tout et n’importe quoi pour exister dans les algorithmes) ? Quelques pistes concrètes :

  1. Regarder le profil de l’utilisateur : les applis les plus sérieuses (Vivino, WineAdvisor) affichent, sous le pseudonyme, le métier ou la certification (sommelier, caviste, vigneron). À creuser…
  2. S’intéresser à la qualité des notes : un vrai pro détaille ses dégustations avec précision (nez, bouche, longueur, accord…).
  3. Repérer les listes thématiques : rares mais précieuses, certaines listes de recommandations, élaborées et signées, sortent du lot (ex : “les grands cabernets du Médoc par Sandrine Audegond” sur Vivino).
  4. Se méfier des “ultra-influenceurs” : ceux qui notent 3000 bouteilles/an, toujours en 4,5/5, sont rarement crédibles. Préférer l’intelligence critique (et un peu de dissonance !).
  5. Vérifier la date de publication : l’univers du vin bouge. Les comptes “stars” des années 2017/2018 sont parfois des coquilles vides aujourd’hui.

Quelques initiatives à suivre pour (re)dynamiser ces espaces

Le secteur du vin digital français reste jeune. Mais il évolue, doucement, pour encourager la présence de professionnels identifiable et active.

  • TWIL explore, depuis mi-2023, des masterclass limitées animées par des sommeliers reconnus et accessibles (parfois gratuites sous réserve de création de compte, mais loin d’être mainstream).
  • WineAdvisor encourage la création de groupes thématiques, mais l’effet “bulle parmi les bulles” (groupes confidentiels, peu engagés) limite encore l'impact.
  • Vivino commence à tester des “profils certifiés” réservés à certains pros (vignerons, cavistes, sommeliers), mais à la marge, et sans affichage distinct massif.
  • Des événements hybrides (WineTech Tour, ApéroTwil, dégustations en live sur Instagram couplés à des publications sur applis) tentent de créer des passerelles plus efficaces entre les mondes physiques et digitaux — sans doute l’avenir.

Où sont les pépites à suivre sur les applis françaises ?

Pour l’utilisateur lambda, la quête peut sembler compliquée, car la masse d’informations et d’avis dilue la voix des professionnels. Cependant :

  • Sur Vivino : privilégier les recherches via l’onglet “Meilleurs dégustateurs dans votre région” ; quelques sommeliers (souvent anonymes sous pseudo) y publient des sélections précises.
  • WineAdvisor met en avant, dans la rubrique “Communautés”, des groupes thématiques animés parfois par des pros “dans l’ombre”, mais accessibles par messagerie.
  • TWIL propose — mais trop discrètement — des sélections spéciales “Les choix de nos experts”, rares, mais qualitatives.

Astuce : beaucoup de pros du vin utilisent la même photo de profil et la même biographie courte que sur Instagram ou LinkedIn — une façon de vérifier rapidement si l’on a à faire à une personne réelle et référencée.

Perspectives : faut-il (encore) croire aux applis communautaires pour suivre les vrais experts du vin ?

Le potentiel existe : la base de données, l’entrée par la dégustation et l’interactivité sont bels atouts. Pour l’instant, le suivi de sommeliers voire d’influenceurs vin sur les applis communautaires françaises reste un plaisir d’initié·e·s, qui demande curiosité et un brin de patience. Mais les lignes bougent. La cohabitation entre amateurs, pros et influenceurs, encouragée par de nouveaux outils dédiés et des hybridations avec les réseaux sociaux “classiques”, pourrait donner un second souffle à ces plateformes — pour le meilleur… et parfois pour le pire.

Qu’on guette un avis d’expert, une inspiration de dégustation ou un simple conseil pour un apéro, mieux vaut garder l’œil aiguisé, séparer le blé de l’ivraie, et ne jamais oublier : le vin, ça se partage… mais pas aveuglément.

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