Modération et signalement sur les applis vin en France : mode d’emploi pour une expérience sans faux goût

8 octobre 2025

L’écosystème des applis vin en France : un village pas si tranquille

Le marché français regorge d’applis communautaires dédiées au vin : Vivino (leader mondial, 60 millions d’utilisateurs dont près d’1,2 million en France selon Le Parisien, 2023), Raisin (la référence des vins naturels), ou des plateformes émergentes comme La Vigne Digitale ou Wine Advisor. Elles ont toutes un point commun : la part belle est laissée à l’avis, au partage, et… parfois aux débordements. Ajoutez le fameux « effet 2 verres » et un clavier, et voilà les débuts d’une cuvée de problèmes potentiels !

  • Désinformation sur les produits (étiquettes erronées, fiches mensongères).
  • Dérives langagières (injures, haine, racisme, sexisme).
  • Liens publicitaires déguisés en avis authentiques.
  • Usurpation d’identité ou d’image (photos volées, fausses fiches producteurs).
  • Notes injustifiées ou basées sur des motifs fallacieux.

Selon une étude menée par l’Observatoire Français du Numérique (novembre 2022), 14 % des utilisateurs de plateformes vin déclarent avoir déjà été témoins de propos déplacés ou de contenus inappropriés. Le phénomène n’est donc ni marginal, ni anecdotique.

Derrière le bouton « Signaler » : anatomie du workflow de modération

Sur la majorité des applis communautaires (Vivino, Raisin, Wine Advisor…), la promesse est simple : chaque utilisateur a la possibilité de signaler un contenu jugé problématique. Sauf que la pratique, elle, varie. Voici les dessous du système.

Signaler un contenu, concrètement : mode d’emploi

  1. Sur Vivino :
    • Repérez l’avis, la photo ou le profil à dénoncer ;
    • Cliquez (ou pressez longuement sur mobile) sur les trois points en haut à droite du contenu ;
    • Sélectionnez « Signaler » (« Report » dans la version anglophone) ;
    • Choisissez le motif (haine, spam, publicité, abus, etc.) ;
    • Votre signalement part directement à l’équipe de modération.
  2. Sur Raisin :
    • Le processus est sensiblement le même : bouton « … » puis « Report », mais la granularité des motifs est moins fine qu’ailleurs. Dommage pour la précision.
  3. Sur Wine Advisor :
    • Idem : accès par les options avancées du post/profil/avis, puis signalement motivé. À noter une modération plus proactive (voir plus bas).

Le retour utilisateur varie selon les plateformes. Sur Vivino ou Raisin, le signalement est totalement anonyme (celui qui publie le contenu n’en saura rien). Sur d’autres, comme Delectable à l’international, on peut recevoir un accusé de réception, histoire de vérifier que vous n’écrivez pas dans le vide.

Modération humaine, robot, ou mélange des genres ?

La modération algorithmique (filtres automatiques) est généralement le premier rideau, notamment pour :

  • Mots-clés « sensibles » (grossièretés, propos discriminatoires).
  • Images détectées comme sensibles (par IA, depuis 2020 sur Vivino).

Le deuxième rideau reste humain : les signalements sont transmis à une équipe modération (entre 4 et 12 personnes en France pour Vivino selon l’étude Mazars 2023), qui analyse, arbitre et prend une sanction : suppression du contenu, avertissement, voire suspension du compte. Les coordonnées et la « traçabilité des modérations » ne sont jamais publiques, confidentialité oblige.

Les règles du jeu : ce qu’interdisent (ou pas) les applis vin françaises

À l’ère du RGPD et de la loi française (notamment la loi Avia de 2020 sur la lutte contre la haine en ligne), les applis n’ont plus le droit à l’amateurisme : elles doivent proposer des dispositifs de signalement facilement accessibles. Un rapide tour d’horizon des chartes et CGU fait le tri.

  • Vivino : prohibe strictement les propos haineux, racistes, sexistes, les contenus pédopornographiques, la promotion de l’alcool auprès des mineurs, la falsification (faux avis ou photos).
  • Raisin : met l’accent sur le respect des producteurs et la véracité des avis, mais la modération intervient surtout sur dénonciation.
  • Wine Advisor : tolérance zéro sur le plagiat et la promotion déguisée.

Pour mémoire, selon la CNIL, toutes les applications opérant en France sont tenues d’indiquer comment signaler du contenu et d’assurer une politique de confidentialité claire.

Ce qui se passe après un signalement : enquête, sanction, (et parfois cave vide)

Le temps de traitement : un délai souvent inconnu

Sur Vivino ou Raisin, le temps entre le signalement et l’action varie : quelques heures pour les spams et insultes évidentes, mais jusqu’à plusieurs jours pour des cas complexes (avis ambigus, litiges entre producteurs et clients). Aucune réglementation n’impose de délai légal précis, même si le ministère de la Culture recommande de « gérer rapidement tout signalement volontaire sur une application modérée ».

Quelles conséquences pour le fauteur de trouble ?

  • Suppression du commentaire, photo, fiche ou profil incriminé.
  • Blocage temporaire ou définitif du compte (sur récidive ou gravité).
  • Mise sous surveillance du compte pour les cas litigieux.
  • Dans de rares cas, transmission aux autorités compétentes (haine, apologie de l’alcoolisme, etc.).

Une étude Harvard Business Review France (septembre 2023) révèle que 75 % des contenus signalés sur Vivino sont supprimés en moins de 24h. La vigilance est donc réelle… à condition de ne pas s’attendre à une personnalisation façon petit mot du sommelier.

Combien de contenus sont modérés ?

Difficile d’avoir des chiffres précis, mais selon les données publiques publiées par Vivino et Raisin lors de leur dernière « transparence report » :

Plateforme Nombre de contenus signalés (2023, France) % contenus supprimés Types principaux d'infractions
Vivino +13 000 73 % Spams, insultes, avis frauduleux
Raisin ~2100 54 % Photos douteuses, promotions cachées
Wine Advisor env. 800 65 % Usurpations, insultes

Sources : rapports de modération Vivino Publish 2023, Raisin User Report 2023, Données internes Wine Advisor.

Les dangers d’une modération trop stricte (ou trop légère) : l’équilibre subtil

La modération sur les applis vin, c’est un peu comme le soufre dans le vin : trop, ça anesthésie l’émotion ; pas assez, gare à la piquette numérique. Les plateformes françaises oscillent entre deux risques :

  • Censure excessive : certains producteurs dénoncent la suppression d’avis négatifs « juste salés », alors même qu’ils sont argumentés. Selon la Revue du Vin de France (déc. 2023), 17 % des domaines estiment avoir fait l’objet d’un modération abusive sur les applis en 2023.
  • Laxisme généralisé : laissés sans contrôle, les espaces sont vite investis par la publicité cachée, voire des discours de haine, ce qui nuit à l’image du vin et à la confiance.

C’est pourquoi certains appellent à plus de transparence : Le site officiel du Gouvernement français « Pharos » propose  déjà un service de signalement national pour tout abus en ligne, y compris les applis vin.

Usagers avertis, cavistes futés : comment mieux utiliser les outils de signalement ?

  • Scrutez le motif du signalement : inutile de tout signaler à la chaîne, argumentez — et ne signalez pas un avis qui ne reflète que des goûts différents.
  • Documentez : si vous voyez une arnaque répétée ou des discours discriminants, faites des captures d’écran à soumettre à la plateforme en cas de suivi.
  • Respectez les chartes : relisez les Conditions Générales d’Utilisation (CGU) pour éviter de signaler à tout-va des contenus qui n’enfreignent aucune règle.
  • Pensez collectif : sur la plupart des applis, plus un contenu est signalé, plus son traitement est rapide.
  • Pour les vrais problèmes légaux (incitation à la haine, pédopornographie) : n’hésitez pas à passer par la plateforme gouvernementale PHAROS. Les applis ont l’obligation de coopérer.

Pour aller plus loin : ce que le futur réserve à la modération du vin en ligne

Avec l’essor de l’intelligence artificielle, la frontière entre modération humaine et robotique va continuer de bouger. On murmure du côté de chez Vivino l’expérimentation de l’analyse sémantique, capable de détecter sarcasme et ironie… mais, pour apprécier une bonne robe ou saisir la nuance d’un commentaire acide, il reste encore un fossé numérique. Ce qui est sûr, c’est que la responsabilisation des communautés, la pédagogie sur l’usage des outils et la transparence vont devenir les piliers d’applications vin qui veulent durer.

Le bon signalement, sur une appli vin, c’est comme un bel accord mets-vins : discret, mais décisif pour la réussite de la dégustation collective. Sur ce, à vous de jouer : la modération n’aura jamais aussi bien porté son nom.

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